Avant de se retirer au début de l'année 2011, Satoshi Nakamoto, le créateur de Bitcoin, nous a légué une multitude de messages. Ces communications proviennent principalement des divers forums dédiés à Bitcoin, notamment BitcoinTalk. L’étude de ces citations nous offre un aperçu de l'histoire de Bitcoin et, à travers elles, nous pouvons mieux appréhender son fonctionnement. Dans cet article, je vous propose de découvrir ou de redécouvrir certains des messages marquants de l’inventeur de Bitcoin.
Évidemment, tous les messages originaux de Satoshi sur les forums sont en anglais. Ici, je vous fournis directement la traduction française de ces citations.
Les caractéristiques uniques de la preuve de travail
Nakamoto met ici en évidence que le consensus par preuve de travail se distingue des autres méthodes, telles que la preuve d'enjeu, par sa capacité à fonctionner efficacement même à travers un réseau d'intermédiaires non fiables. Cette caractéristique permet la transmission d'informations sans nécessité de vérification sur la fiabilité des nœuds transmetteurs.
En effet, la validité d'un bloc est intrinsèquement déterminée par la quantité de travail qu'il a nécessité pour sa création. Ainsi, la chaîne qui a cumulé le plus de travail est automatiquement considérée comme valide, une validité que tout nœud peut vérifier de manière indépendante sans informations additionnelles. Cette approche permet à tous les utilisateurs de se connecter au réseau à leur convenance, sans nécessité de maintenir une connexion constante ou de connaître tous les autres participants du réseau.
Dans un environnement hostile, cette caractéristique de la preuve de travail confère à Bitcoin plus de robustesse. Cette propriété s'avère être cruciale, surtout lorsque l'on considère que le bitcoin se positionne en concurrence des monnaies fiduciaires, dont les États conservent jalousement le monopole. À long terme, cette robustesse apportée par la preuve de travail est essentielle pour la pérennité d’un système tel que Bitcoin.
L’utilité sociale de Bitcoin et son impact écologique
Dans cette citation extraite du même message que la précédente, Satoshi répond aux préoccupations concernant le gaspillage énergétique du minage de Bitcoin. Il compare ce processus à l'extraction minière de l'or qui, isolée de tout contexte, peut paraître comme un gaspillage d'énergie. Mais si l’on extrait de l’or, c’est pour pouvoir ensuite l’utiliser, notamment pour ses propriétés monétaires intéressantes.
Or, la monnaie joue un rôle fondamental dans toute civilisation humaine, en résolvant le problème de la double coïncidence des besoins. En effet, dans un système établi sur le troc, il faut trouver un individu pour notre échange qui non seulement possède le bien recherché, mais qui a aussi besoin d'un bien de valeur équivalente que nous sommes en capacité de lui proposer immédiatement. Cette équation est souvent complexe à résoudre. C'est pourquoi nous recourons à la monnaie qui permet de fluidifier ces échanges entre les individus en incarnant de la valeur qui peut être déplacée à travers l'espace et le temps.
Cette utilité sociale procurée par l’or dépasse le coût en énergie que nécessite son extraction. Satoshi avait déjà compris que dans le cas de Bitcoin, le calcul était similaire. La preuve de travail est un mécanisme absolument essentiel et à priori irremplaçable pour faire fonctionner le système, à l'instar de l'extraction minière pour l'or. L’utilité sociale que représente l’usage monétaire du bitcoin dépasse largement le coût en énergie du minage, puisque celui-ci s’ajuste forcément à l’utilisation des individus. Ce système est donc un net positif pour la société. C’est pourquoi Satoshi indique que si l’on imagine une civilisation sans Bitcoin, la perte liée à son utilité dépasserait largement les gains liés à l’économie d’énergie réalisée. La perte de Bitcoin serait ainsi, comme il le dit, un gaspillage net pour l’humanité.
Bitcoin, l’équivalent monétaire du chiffrement fort
Dans cet extrait issu du message de présentation de Bitcoin sur le site de P2P Foundation, Satoshi met en lumière un des objectifs de Bitcoin, tout en évoquant une motivation alignée sur les principes des cypherpunks.
Il établit une analogie entre Bitcoin et le chiffrement fort, ce qui désigne toutes les méthodes cryptographiques modernes qui assurent un haut niveau de sécurité grâce à des algorithmes complexes. Historiquement, le chiffrement était l'apanage des gouvernements et des militaires. Avec l'avènement des ordinateurs personnels et l'expansion d'Internet dans les années 1970 et 1980, le besoin d'un chiffrement fort pour le grand public est devenu évident. Toutefois, certains gouvernements s’opposaient à cette démocratisation de la cryptographie, craignant des complications pour la surveillance des individus. Les États-Unis ont même longtemps considéré les logiciels de chiffrement comme des munitions d’arme à feu, interdisant de ce fait leur distribution libre et leur exportation. Les cypherpunks ont combattu pour diffuser les méthodes de chiffrement fort, les considérant essentielles pour la protection de la vie privée des individus. Ne pouvant pas faire confiance aux entreprises et aux gouvernements qui interfèrent dans la sphère privée, il fallait leur enlever la possibilité d’effectuer cette surveillance. C’est ce que permet le chiffrement fort.
Dans cette citation, Satoshi évoque cette lutte pour la diffusion des méthodes de chiffrement et exprime le souhait de voir un changement similaire dans le domaine monétaire. De la même manière que la cryptographie procure une protection individuelle contre les abus de surveillance, Bitcoin se propose comme un moyen de se prémunir contre les abus liés à la monnaie.
Avec ce message, accompagné d'un lien vers la version 0.1 du logiciel Bitcoin, Satoshi diffuse au monde entier une méthode permettant de s'affranchir des monnaies étatiques. Avec son outil, il est dorénavant possible d’annihiler le besoin de confiance dans nos échanges monétaires entre individus, et ainsi de protéger nos droits naturels de manière autonome.
Bitcoin face à l’inflation
Dans le même message que la citation précédente, Satoshi pointe du doigt l’impression monétaire orchestrée par les banques centrales. Il souligne que la monnaie fiduciaire exige une confiance importante dans ces institutions pour maintenir la valeur de la monnaie. Effectivement, l'émission continue de nouvelles unités entraîne inévitablement une inflation, grignotant progressivement le pouvoir d'achat de la monnaie déjà en circulation. Cette inflation se manifeste par une augmentation des prix des biens et services. Elle agit comme un impôt déguisé, transférant subrepticement la valeur cristallisée dans la monnaie de l'épargnant vers l'État. Cet impôt, insidieux par son caractère non consenti, non voté, et difficilement perceptible, requiert une forme de confiance aveugle dans l'institution émettrice. Toutefois, comme le rappelle Satoshi, cette confiance a souvent été trahie dans l'histoire.
Avec Bitcoin, la nécessité de cette confiance disparaît. Le protocole prévoit un calendrier d'émission prédéfini, maintenu par le consensus des utilisateurs. Durant les premières années de Bitcoin, les unités sont progressivement créées afin d’assurer leur mise en circulation. Mais une fois le cap des 21 millions d'unités atteint, la masse monétaire sera fixe, empêchant le phénomène de perte de pouvoir d’achat que l’on peut retrouver sur les monnaies fiduciaires.
La confidentialité sur Bitcoin
Dès les premiers jours de Bitcoin, Satoshi avait déjà bien compris le modèle de confidentialité de son invention. Dans le White Paper, il identifiait déjà deux heuristiques d'analyse de chaîne qui demeurent aujourd'hui parmi les plus utiles pour les entreprises spécialisées dans la surveillance des transactions.
Dans ce fil de discussion sur BitcoinTalk, Satoshi soulignait l'importance de ne jamais utiliser une même adresse de réception plusieurs fois. Il mettait aussi en lumière que l'anonymat et la pseudonymie dépendent essentiellement de l'association faite en dehors de Bitcoin (comme sur le web, par exemple) entre ces adresses et des informations personnelles.
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La citation la plus célèbre de Satoshi
C’est sûrement une des citations les plus célèbres de Satoshi Nakamoto. Elle provient initialement d'un échange avec Dan Larimer, futur fondateur de BitShares. Larimer exprimait son scepticisme quant à la viabilité de Bitcoin, notamment en termes de passage à l’échelle face au système bancaire. Répondant à une critique sur le délai de confirmation des transactions, Satoshi conseillait à Dan d’aller voir un autre de ses messages. Dans celui-ci, il détaillait le concept d'une entreprise de traitement de paiements qui, en surveillant la blockchain, permettrait d’accepter des transactions plus rapidement pour les commerçants. Visiblement lassé par les critiques de Larimer, Satoshi voulait faire comprendre avec cette citation qu'il se souciait peu de la capacité de ses arguments à convaincre.
Aujourd'hui, cette citation est largement reprise par les bitcoiners qui s’y identifient en dehors de son contexte initial. Elle incarne désormais l'idée que l’on ne peut pas convaincre tout le monde, en particulier ceux qui ne veulent pas faire l’effort de comprendre Bitcoin. Elle suggère que c'est le temps qui démontrera sa valeur et son efficacité, plutôt que des tentatives infructueuses d’argumentations face à un scepticisme imperméable.
Contrairement à ce que suggère cette citation, sur le blog Comprendre Bitcoin, nous prenons le temps de vous convaincre et de vous éclairer sur le fonctionnement de Bitcoin. N’hésitez pas à découvrir nos nombreux articles techniques si vous désirez approfondir vos connaissances sur l’invention de Satoshi !
Et si Satoshi avait encore accès à son million de BTC ?
Pour replacer cet extrait dans son contexte, il provient d'un message de Satoshi Nakamoto posté sur le forum BitcoinTalk, dans le fil de discussion dédié à la version 0.3.13. Cette intervention faisait suite à un incident dans lequel un utilisateur avait engendré une chaîne de transactions invalides en raison d'un historique manquant, un problème causé par un bug. Satoshi exprimait sa frustration face à la suppression du portefeuille de cet utilisateur, en insistant sur le fait qu'un wallet ne devrait jamais être supprimé, « juste au cas où ».
Ce message prend une résonance particulière quand on pense au million de BTC que Satoshi aurait miné durant les premières années de Bitcoin. Grâce à l'analyse de certaines méthodes de minage spécifiques à Satoshi, on peut identifier un modèle qui lui est propre, désigné sous le nom de « Patoshi ». L’analyse de ce Patoshi dans les blocs révèle que Satoshi aurait accumulé environ 1,1 million de bitcoins.
Jusqu'à présent, ce trésor n’a jamais bougé. Cela a suscité diverses théories : certains pensent que Satoshi est décédé, tandis que d'autres spéculent sur la destruction de son portefeuille. Cependant, ce message de 2010, où il conseille de ne jamais supprimer son wallet, pourrait suggérer le contraire. Seul l'avenir nous révélera la vérité.
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Conclusion
Ces quelques messages, parmi tant d'autres laissés par Satoshi Nakamoto, nous permettent de mieux comprendre sa vision sur son invention. Si vous vous intéressez à Bitcoin, je ne peux que vous conseiller d’étudier toutes ces discussions du début des années 2010. On y comprend pourquoi certains choix techniques ont été faits et en quoi il est important de préserver ces principes fondamentaux. Pour en savoir plus sur Satoshi Nakamoto et les origines techniques et idéologiques de son invention, je vous conseille également de découvrir cet autre article : Pourquoi Bitcoin a-t-il été créé ?
Citations originales :