Bitcoin n’est pas inutile - Chapitre 1 : Utilité de Bitcoin et théories de la valeur

Accueil/Démystification/Bitcoin n’est pas inutile - Chapitre 1 : Utilité de Bitcoin et théories de la valeur

Démystification

Bitcoin n’est pas inutile - Chapitre 1 : Utilité de Bitcoin et théories de la valeur

L’adoption progressive de Bitcoin a suscité de nombreuses discussions quant à son utilité durant les dernières années. Encore aujourd’hui, des personnes se demandent quelle est la réelle valeur de ce système. Certains considèrent que Bitcoin est inutile et qu’il ne sert à rien, tandis que d'autres le voient comme une révolution monétaire. 

Dans cet article en deux parties, nous abordons les raisons pour lesquelles Bitcoin n'est pas inutile. Dans ce premier chapitre, nous examinons à quoi sert Bitcoin. Nous discutons également du fait que le jugement de l'utilité d'un objet est une réflexion subjective en nous appuyant sur les différentes théories de la valeur. 

Enfin, dans le second chapitre, nous présenterons des exemples concrets de l'utilisation de Bitcoin dans le monde réel. Au-delà de la spéculation, nous nous questionnerons sur son utilité marginale pour certains groupes d’individus.

➤ Découvrir le Chapitre 2 de « Bitcoin n’est pas inutile ».

À quoi sert Bitcoin ?

Comme l’indique son créateur, Satoshi Nakamoto, Bitcoin est un système de cash électronique pair-à-pair. C’est un dispositif de paiement qui répond au besoin de réaliser des transactions sans recourir aux services d’un tiers de confiance.

Le problème initial auquel répond le protocole Bitcoin est ainsi la double dépense. Dans un système pair-à-pair, dans lequel il n’existe aucune entité disposant de plus de pouvoir que les autres, il faut pouvoir s’assurer que personne ne triche en utilisant deux fois une même unité de monnaie. Sans cela, la monnaie n’est plus rare, et elle ne peut plus jouer son rôle de stockage de la valeur.

➤ En savoir plus sur les caractéristiques d’une bonne monnaie.

En effet, lorsque vous donnez une pièce de monnaie à une autre personne, par définition, vous ne pouvez pas la dépenser une nouvelle fois. Seulement, sur internet, on ne fait transiter autre chose que de l’information. Or l’information est toujours duplicable. Par exemple, si je vous transmets l’information selon laquelle demain, il fera beau temps, j’ai réalisé une duplication de l’information. Vous en avez dorénavant la connaissance, mais j’en ai également toujours la connaissance. Dans un système de paiement électronique centralisé, cette duplication de la monnaie est empêchée par l’entité centrale qui détermine qui possède quoi. Mais puisque Bitcoin est un réseau distribué, il a fallu trouver des mécanismes pour empêcher la double dépense.

Tous les mécanismes du protocole Bitcoin sont initialement pensés pour répondre à ce problème dans l’objectif de pouvoir implémenter un système de cash électronique réellement pair-à-pair. Le serveur d’horodatage distribué, familièrement appelé « blockchain », permet uniquement à chacun de s’assurer que personne n’a dépensé deux fois la même pièce. La preuve de travail, elle, permet de protéger cette blockchain, tout en assurant l’établissement d’un principe de consensus entre chaque utilisateur.

➤ En savoir plus sur le fonctionnement de la preuve de travail (Proof-of-Work).

À quoi sert Bitcoin ? Il sert à réaliser des transactions.

Pourquoi l’utiliser à la place du système bancaire traditionnel ? Parce qu’il ne s’établit pas sur la confiance, ce qui implique de multiples avantages pour l’utilisateur par rapport au système traditionnel : incensurabilité, insaisissabilité, offre monétaire finie, confidentialité, irréversibilité probabiliste, frais moins élevés…

Fondamentalement, Bitcoin ne sert à rien de plus. C’est un protocole qui permet de réaliser des paiements pair-à-pair sur internet, sans besoin de confiance. Maintenant, savoir à quoi sert Bitcoin ne répond pas forcément au problème initial de cet article. 

Cette fonction engendre-t-elle une forme d’utilité ? Bitcoin est-il utile ?

Juger l’utilité d’un objet est une réflexion subjective

L’affirmation selon laquelle Bitcoin est inutile implique que ce système soit dénué de toute utilité pour chacun. Pour confirmer cet argument, il faudrait donc être en capacité de connaître le jugement de chaque individu sur Bitcoin. Cependant, l’utilité est une notion qui ne peut qu’émaner d’un jugement subjectif. Cette appréciation individuelle est intrinsèquement liée à l’estimation de la valeur d’un bien.

Dans l'analyse économique, la théorie de la valeur est l'étude de la façon dont les individus évaluent l’utilité de chaque objet, que ce soit un bien ou un service. Il est souvent admis que l'estimation de l'utilité et de la valeur d'un objet émane d'une réflexion individuelle. Toutefois, il existe des divergences d'opinion sur la manière dont cette réflexion subjective est utilisée pour évaluer la valeur et l’utilité.

Selon l’économiste classique Adam Smith, connu pour sa théorie du libre échange, la valeur d’un bien résulte du coût des facteurs de production mis en œuvre pour sa fabrication. Autrement dit, selon Smith, un bien a une valeur objective qui découle de la quantité de travail nécessaire pour le produire. C’est l’idée de la valeur travail. Cette théorie a par la suite été reprise et développée par l’économiste David Ricardo. Néanmoins, cette idée est critiquable puisqu’elle est établie sur une stricte distinction entre ce qu’ils nomment la « valeur d’échange » et « la valeur d’usage ». 

Karl Marx a également soutenu l'idée que la valeur d'un bien découlait de la quantité de travail nécessaire pour le produire. Toutefois, il a ajouté à cette réflexion que la valeur était affectée par les relations sociales qui existaient entre les individus dans la production. Selon lui, la valeur objective d'un bien était donc affectée par les relations humaines au sein de la société.

Au contraire, l'école autrichienne d’économie soutient l'idée que la valeur et l’utilité d'un bien sont entièrement subjectives. Selon les penseurs de cette école, tels que Friedrich Hayek ou Ludwig von Mises, l'utilité d'un bien dépend uniquement de l'individu et de son jugement personnel. Selon eux, la valeur est établie sur des sentiments qui ne peuvent pas être comparés entre les individus. Cette théorie est en opposition avec celle de l'école classique qui soutient que la valeur d'un bien est fondée sur la quantité de travail nécessaire pour le produire. Selon la pensée autrichienne, l'évaluation de la valeur d'un bien doit considérer les préférences subjectives de l'individu ainsi que les coûts subjectifs qu'il est prêt à supporter pour obtenir ce bien. Cette approche subjective de l'évaluation de la valeur est également liée à la théorie de l'utilité marginale de Milton Friedman qui met en avant l'importance de la satisfaction supplémentaire que l'individu tire d'un bien acquis. 

En somme, pour l'école autrichienne, juger l'utilité d'un objet est une réflexion subjective qui émane de chaque individu et qui dépend de nombreux facteurs complexes. Elle varie pour chaque personne en fonction de l’objet, de son environnement, du moment, de la rareté de celui-ci ou encore de la disponibilité de substituts.

Pour illustrer cette théorie de la valeur et de l’utilité d’un objet, nous pouvons reprendre l’exemple que j’ai déjà évoqué dans mon article « 8 idées reçues sur Bitcoin ». Si l’on propose à un individu de payer une bouteille d’eau au prix de 10 bitcoins dans un environnement habituel, il va sûrement refuser l’offre. Dans cet environnement, il jugerait que ce prix est bien trop élevé pour une simple bouteille d’eau. Maintenant, imaginons qu’il soit perdu dans un désert, assoiffé, et loin de toute source d’eau. Si un berger croisait sa route et lui proposait une bouteille d’eau en échange de 10 bitcoins, l’individu aurait certainement accepté. En effet, dans cet environnement, il ne disposerait d’aucun substitut à la bouteille d’eau proposée par le berger, et son besoin serait absolument vital.

Cet exemple montre que lorsque que l’on modifie un seul des nombreux facteurs complexes menant à l’estimation de l’utilité et de la valeur d’un objet, un même individu ne tirerait pas la même satisfaction de ce dernier. Dans mon exemple, le facteur modifié est la disponibilité de substituts. Cela prouve combien l’estimation de la valeur d’usage et de la valeur d’échange sont en réalité le fondement unique de la valeur.

Cet exemple parlant, je ne l’ai pas inventé. C’est une exagération de l’exemple évoqué par l’économiste et philosophe français Étienne Bonnot de Condillac dans son ouvrage Le Commerce et le gouvernement considérés relativement l’un à l’autre, publié en 1776 : 

Une chose n’a pas une valeur, parce qu’elle coûte, comme on le suppose ; mais elle coûte, parce qu’elle a une valeur. Je dis donc que, même sur les bords d’un fleuve, l’eau a une valeur, mais la plus petite possible, parce qu’elle y est infiniment surabondante à nos besoins. Dans un lieu aride, au contraire, elle a une grande valeur ; et on l’estime en raison de l’éloignement et de la difficulté de s’en procurer. En pareil cas un voyageur altéré donneroit cent louis d’un verre d’eau, et ce verre d’eau vaudroit cent louis. Car la valeur est moins dans la chose que l’estime que nous en faisons, et cette estime est relative à notre besoin : elle croît et diminue, comme notre besoin croît et diminue lui-même.

Il est intéressant de noter que même dans les théories économiques qui prônent une valeur objective, il y a une certaine subjectivité utilisée. Par exemple, la théorie de Smith sur la valeur découlant de la quantité de travail nécessaire pour produire un bien suppose que tout le monde est d'accord sur ce qu'est le « travail » et comment le mesurer. De même, la théorie de Marx sur la valeur découlant des relations sociales dans la production suppose que tout le monde est d'accord sur ce qu'est une « relation sociale » et comment l'évaluer. En réalité, ces concepts sont largement subjectifs et peuvent considérablement varier selon les individus. Cela montre à quel point il est difficile de déterminer une utilité objective pour un objet, car il y a toujours une subjectivité concernée.

Comme toute autre monnaie, le bitcoin n’est qu’un actif. Il subit naturellement le même jugement propre à chacun que représente son utilité pour un individu. Bitcoin n’a peut-être pas d’utilité pour vous, peut-être un peu plus pour votre ami, et sûrement beaucoup plus pour moi. Cette différence s’explique par la subjectivité de nos jugements sur cet objet.

Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, Bitcoin dispose de certaines caractéristiques intéressantes quant à son utilisation comme système de paiement. Les bitcoins peuvent être échangés de manière incensurable et ils disposent d’une offre monétaire fixe. Les transactions sur ce système permettent à l’utilisateur de faire respecter son droit fondamental à la vie privée. Ou encore, les bitcoins sont insaisissables et offrent à l’utilisateur une propriété privée forte sur sa monnaie. Tout cela est exécuté sur un système pair-à-pair, où chaque utilisateur dispose du même pouvoir que les autres, et où le besoin de confiance pour une entité centrale est annihilé.

Évidemment, si vous ne ressentez pas le besoin en tant qu’individu d’utiliser une monnaie disposant de ces caractéristiques, alors vous ne trouverez aucune utilité au système Bitcoin. Toutefois, comme le démontre l’exemple de Bonnot de Condillac, votre propre jugement sur Bitcoin peut rapidement changer en fonction de vos besoins, et de la disponibilité de substituts. Il est donc possible qu’à l’avenir, vous trouviez subitement une utilité à Bitcoin.

Surtout, cette estimation est exclusivement individuelle. Vous ne pouvez pas l’appliquer à tous les individus puisqu’il est impossible d’estimer les nombreux facteurs complexes et subjectifs de huit milliards d’êtres humains. Vous ne pouvez pas connaître leurs besoins individuels, la disponibilité de substituts dans leur environnement, ou encore, l’utilité marginale que leur apporterait l’objet jugé.

L’affirmation « Bitcoin est inutile », qui implique, par extension, que Bitcoin serait dénué de valeur, est alors intrinsèquement fallacieuse puisque c’est une généralisation invalide : « Je suis un individu et je ne trouve pas d’utilité à Bitcoin. Donc tous les individus ne trouvent pas d’utilité à Bitcoin ». Or, cette réflexion est un sophisme. Elle porte en elle l’apparence de l’évidence, mais en réalité, elle n’est pas valide au sens de la logique.

Conclusion

Bitcoin est un système de cash électronique pair-à-pair. Il sert ainsi à réaliser des transactions, sans avoir besoin de faire confiance à une entité centrale. Le problème majeur qu’il vient résoudre est celui de la double dépense sur un système monétaire informatique distribué.

La valeur et l'utilité de Bitcoin sont déterminées de manière subjective par chaque individu, en fonction de leur jugement personnel et de nombreux facteurs complexes.

Je pourrais ainsi mettre un point final à cette démystification. En effet, l’affirmation « Bitcoin est inutile » émane d’un raisonnement fallacieux et demeure une généralisation invalide. Toutefois, il peut être intéressant d'observer l’utilité marginale que certains groupes d’individus ont attribué à Bitcoin. 

Alors, dans le chapitre 2 de cette réflexion, nous aborderons les différentes utilisations de Bitcoin dans le monde réel. Nous ne parlerons ni de Strasbourg, ni de Bruxelles, mais plutôt de l’Argentine, du Salvador, du Venezuela, de l’Afghanistan ou encore du Liban. Nous étudierons toutes ces utilisations de Bitcoin, de l’outil de liberté à l’actif refuge, en passant par le substitut aux monnaies étatiques.

➤ Découvrir le Chapitre 2 de « Bitcoin n’est pas inutile ».

Vous avez aimé cet article ?

Inscrivez-vous à notre newsletter pour recevoir les prochaines publications.

Ces articles pourraient vous plaire

Découvrez les derniers articles publiés.

Envie de lancer votre épargne en Bitcoin ?

Découvrez Bitstack, l’application la plus simple d'Europe pour investir dans le Bitcoin !

Télécharger Bitstack